FAUT-IL RÉGLEMENTER LE JEU DE TÊTE CHEZ LES JEUNES ?
Dernière mise à jour : 17 févr. 2020
Des scientifiques le prouvent : les anciens footballeurs ont plus de chances de souffrir de maladies neurodégénératives que leurs semblables. Est-ce dû à la multiplication des têtes ? À l'imprudence des acteurs du foot vis-à-vis des commotions cérébrales ? Le football doit-il faire évoluer ses règles pour éviter un drame ? Les États-Unis et l'Écosse ont décidé d'agir en interdisant le jeu de tête chez les plus jeunes. En France et ailleurs, ce principe de précaution n'est pas appliqué. Explications.
PAR AMIR JEREMY MERCREDI 12 FÉVRIER 2020

Sous les préaux scolaires, la légende veut qu’on perde des neurones à chaque coup de boule. Mais cette blague ne fait plus rire certains, notamment en Écosse. Au pays où le kick and rush et les duels aériens sont ancrés dans la culture footballistique, une étude de l’université de Glasgow publiée en novembre dernier a jeté un pavé dans le lac. Celle-ci a été l'une des premières à prouver un lien direct entre la pratique du football et les risques pour la santé mentale des joueurs. L'étude conclut que les anciens footballeurs vivent plus longtemps qu'une personne lambda, mais qu'ils ont par ailleurs trois fois et demi plus de risques de mourir de démence qu’une personne lambda. Dans le détail, les chercheurs ont comparé 7676 joueurs professionnels écossais nés avant 1977 à un panel de 23 028 personnes nées avant 1977. Résultats : 1,7% des footballeurs souffraient d’une maladie neuro-dégénérative contre seulement 0,5% pour le reste de la population. Une vraie alerte.
Et encore. « Le cerveau est complètement mature au niveau de ces interconnexions qu’entre l’âge de 25 et 30 ans » , complète le docteur Emmanuel Orhant, responsable médical de la FFF
Si rien ne prouve que l'accumulation des têtes serait directement responsable de maladies neuro-dégénératives, le retentissement a eu un effet quasi immédiat en Écosse. Quelques semaines après la parution de l'étude de l'université de Glasgow, la Fédération écossaiseest devenue la première en Europe à vouloir interdire le jeu de tête, de l'école de foot jusqu'à la catégorie U12. Un principe de précaution censé protéger une population vulnérable : les enfants.
Coups de tête
Si un adulte court le risque de s’esquinter la cervelle avec un ballon, ce risque peut être démultiplié pour un enfant, dont le cerveau est plus fragile que celui d’un adulte. La première raison est mécanique. « Un enfant est plus petit, pèse moins lourd, donc quand un ballon arrive sur sa tête, celle-ci va être soumise à des forces de pression plus violentes que sur la tête d'un adulte qui a une musculature plus charpentée et un crâne plus solide » , pose Philippe Azouvi, professeur de médecine physique et de réadaptation à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Deuxième raison : le cerveau d’un enfant est dans une phase de développement. « Les conséquences ne sont pas les mêmes que sur un cerveau qui a atteint sa maturité » , poursuit le neurologue. Le débat sur l’âge limite reste ouvert. Le chercheur américain Robert Cantu, affilié à la faculté de Boston et cofondateur du Sports Legacy Institute, conseille aux moins de 14 ans de ne pas frapper un ballon de la tête avant que les muscles et l’ossature permettent d’encaisser ces chocs. Et encore. « Le cerveau est complètement mature au niveau de ces interconnexions qu’entre l’âge de 25 et 30 ans » , complète le docteur Emmanuel Orhant, responsable médical de la FFF. Un âge où la carrière d’un footballeur est déjà bien avancée.

Aux États-Unis, cela fait quelques années que les choses ont bougé. Le détonateur ? La médiatisation des ravages des commotions cérébrales dans le foot US. Sous la pression d’un recours collectif en justice, intenté par un collectif de parents en 2015 et accusant la FIFA, l’U.S. Soccer et l'American Youth Soccer Organization de négligence dans le traitement et la surveillance des blessures à la tête, la Fédération américaine a décidé d’interdire le jeu de tête aux enfants de moins de 10 ans, et de le réglementer jusqu’à 13 ans. Et les éducateurs ont dû se plier aux règles. « Si jamais il y a un coup de tête en U9 ou U11, c’est coup franc indirect pour l’autre équipe » , indique Stéphane Auvray, l'ancien joueur de Vannes devenu sélectionneur de Saint-Martin et qui dirige aussi depuis 2013 une académie de soccer à Kansas City.
source : SoFoot.com